En Côte d’Ivoire, chaque année électorale ne rime pas avec espoir, débat ou progrès. Non. Elle rime avec angoisse, départ et stratégies de survie. De janvier à octobre, la vie semble suspendue. Les conversations changent de ton, les regards deviennent méfiants, les projets sont mis en pause. Et surtout, les réflexes sont devenus presque automatiques : faire son passeport pour fuir au cas où, ou économiser fiévreusement pour « tenir » en cas de chaos.

Quelle démocratie est-ce donc, où l’on redoute les urnes comme on redouterait un cyclone ? Où l’on prépare un scrutin comme on se prépare à une guerre ? L’élection devrait être un moment de respiration républicaine, de choix éclairé, de débat citoyen. Mais dans l’inconscient collectif ivoirien, elle est surtout synonyme de fracture, de suspicion ethnique, de tensions communautaires, voire de violence.

Cette peur n’est pas née du néant. Elle est l’héritage d’un passé politique jalonné de crises postélectorales, de discours incendiaires et de confrontations meurtrières. Et tant que les acteurs politiques continueront de voir les élections comme un jeu de tout ou rien, de vie ou de mort, les Ivoiriens, eux, continueront de vivre ces périodes avec l’angoisse de perdre bien plus qu’un bulletin de vote.

Mais une démocratie véritable ne peut s’ancrer durablement que lorsque les citoyens peuvent voter sans trembler, s’exprimer sans se cacher, espérer sans fuir. Il est urgent que les élections cessent d’être une parenthèse de panique dans la vie nationale. Car une nation qui vit la peur au rythme de ses urnes n’est pas en démocratie : elle est en survie institutionnelle.

Il est temps que les politiques rassurent, que les institutions protègent, et que les citoyens puissent, enfin, croire que choisir leur avenir ne devrait jamais signifier craindre pour leur présent.