LE MOIS DE JUIN est plutôt chaud à Abidjan : plus de 30 °C, avec une humidité de l’air pouvant atteindre les 100 %. On nous invite pourtant à enfiler une longue doudoune rembourrée, avant de passer une lourde porte hermétique. D’un coup, tout est blanc : la température est tombée à-20 °C. A deux pas de l’aéroport de la capitale économique ivoirienne, Africa Global Logistics (AGL, anciennement Bolloré Africa Logistics) gère 1800 mètres carrés de ces entrepôts frigorifiques. Dans de grands congélateurs patientent des steaks hachés importés d’Europe pour une chaîne de fast-food, mais aussi des crèmes glacées, des pâtes à tarte ou encore des légumes.

Unique par sa taille en Côte d’Ivoire, cette installation a été mise en exploitation en 2019, sur une surface « prudente ». « Dès la fin de la première année d’exploitation, on était déjà saturés. Nous avons été rattrapés par la demande », explique David Alliali, responsable de la logistique pour l’Afrique de l’Ouest.

La métropole ivoirienne est un hub économique régional où poussent supermarchés, centres commerciaux, et autres restaurants offrant des menus du monde entier. La demande pour les produits surgelés est donc croissante. « En trois ans, on a doublé le volume, ce qui nous a confortés dans l’idée que le froid devenait un maillon essentiel de la chaîne logistique », poursuit M. Alliali. AGL, qui gère d’autres entrepôts réfrigérés en République démocratique dunCongo, au Malawi et au Rwanda, étudie une extension du site. En Afrique du Sud, la compagnie Maersk a elle aussi étendu ses capacités près du port de Durban.

Une maturité logistique

Certes embryonnaire, le marché du froid est prometteur dans toute l’Afrique. L’essor de la grande distribution conduit à plus de sophistication des chaînes d’approvisionnement, note Yann Alix, de la fondation de recherche Sefacil. « Il y a un marché de consommation qui devient de plus en plus intéressant, notamment sur les agglomérations, dit-il. Et le top du top, c’est le froid. C’est révélateur d’une maturité logistique. »

Au-delà des contraintes sanitaires, conserver à -20 °C dans des régions parfois très chaudes requiert une grande quantité d’énergie. Or, les systèmes électriques africains font souvent face à des coupures. A Abidjan, AGL s’est équipé de générateurs autonomes pouvant refroidir l’entrepôt jusqu’à une semaine, mais ils fonctionnent au fioul – un hydrocarbure cher. Avec la chute des coûts du solaire, l’entreprise prévoit d’installer sur son toit des panneaux pour soulager ses groupes électrogènes.

ÉCONOMIE & ENTREPRISE : Le marché du froid, un défi croissant sur le continent africain – Abidjan.net News