Tidjane Thiam n’en a pas terminé avec l’affaire d’espionnage interne qui est sans doute à l’origine de son éviction du Crédit Suisse en 2020. Mais le célèbre financier franco-ivoirien semble avoir tourné la page. Il est aujourd’hui l’un des quatre émissaires de l’Union africaine pour la riposte post-Covid et reste un acteur important de la finance internationale. Ses ambitions politiques en Côte d’Ivoire semblent pour l’heure en sommeil.

On sait presque tout de Tidjane Thiam. Et surtout ce qu’il pense de lui-même. Ses valeurs : « Je crois beaucoup à la méritocratie » Son courage : « Je n’ai jamais pris de job facile ». Ou encore ses traits de caractère : « J’aime les gens, j’aime bien rire. Je fais souvent de très mauvaises plaisanteries. J’ai un caractère plutôt joyeux ». Et dans ces confessions recueillies par la télévision suisse, le banquier n’oublie pas d’être modeste. « Si j’ai accompli des choses dans ma carrière, je n’ai jamais rien accompli tout seul. On fait des choses en équipe, avec d’autres. » En matière de goûts, il confesse, entre autres, un amour immodéré pour Charles Aznavour.

« Les yeux dans les yeux, je ne savais pas… »

Né en 1962, ce fils de ministre est un pur produit de l’excellence ivoirienne voulu par le président Houphouët Boigny. Tidjane Thiam a brillé dans les plus grandes écoles françaises. L’École Polytechnique et celle des Mines dont il sort major de promotion en 1986. Avant de rejoindre le monde de la finance. McKinsey, Aviva, Prudential, et en 2015 le Crédit Suisse, deuxième banque du pays qu’il va sauver d’une quasi-faillite. Un homme alors discret, presque secret avec les qualités et les défauts inhérents au monde de la finance. Comme le pense Georges Ugeux, ancien vice-président à l’international de la Bourse de New York : « les banquiers ne manquent ni d’intelligence, ni d’idées. Le problème, c’est qu’ils doivent dans leurs fonctions satisfaire à la fois leurs actionnaires, les pouvoirs publics, la société et donc, ils doivent être multifacettes ». Quitte à avoir d’ailleurs une facette obscure. Tidjane Thiam quittera le Crédit Suisse en 2020 après une affaire d’espionnage de ses collaborateurs dont il se dit innocent devant les caméras de la télévision suisse. « Les yeux dans les yeux, je vous le dit, je ne savais pas… »,  assurait-il en 2019.

Des investissements en Amérique du nord 

Le monde de la finance est un monde rude. Certains lui feront quelques mauvais procès, des remarques déplacées sur sa couleur de peau. Mais Tidjane Thiam n’a pour autant jamais joué les victimes. « C’est Françoise Giroud qui disait que l’égalité hommes-femmes sera établie le jour où une femme médiocre sera nommée à un poste de responsabilité. Je pourrais faire la même boutade pour toutes les minorités. », dit-t-il.

Après son départ de Suisse, Tidjane Thiam ne quitte pas le monde des affaires. En juin 2020, il est nommé administrateur auprès du groupe de luxe français Kering. En novembre 2020, il est nommé président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited, l’agence gouvernementale chargée du développement et de la promotion du Kigali International Financial Centre. Au printemps 2021, sa société d’investissement (Freedom Acquisition I Corp) réussit à mobiliser 345 millions de dollars lors de son introduction sur la Bourse de New York. Ce SPAC (Special Purpose Acquisition Company) envisage d’investir dans le secteur de la santé en Amérique du nord. A moyen terme, il pourrait cibler l’Europe et des marchés émergents en Asie, en Amérique latine et dans certains pays d’Afrique.

Des ambitions politiques en Côte d’Ivoire ? 

Tidjane Thiam s’intéresse à la Côte d’Ivoire. Lui qui y fut brièvement ministre au début des années 90 prend la parole dans le débat sur le troisième mandat d’Alassane Ouattara. Le 7 août 2020, alors que le pays célèbre ses soixante ans d’indépendance, il diffuse une vidéo où l’on peut le voir en posture de leader politique. A-t-il été tenté en 2020 par une candidature à la présidence ? Nul ne le sait avec certitude. On sait qu’il est proche du PDCI, la formation d’Henri Konan Bédié, mais Tidjane Thiam se garde bien de dévoiler son jeu. « C’est vrai qu’il y a des gens ici qui militent pour qu’il revienne à la politique, mais on ne sait pas trop s’il veut s’impliquer », explique Venance Konan, éditorialiste à Fraternité matin. « Et s’il le veut, il faut qu’il parle un peu plus que ça. Et surtout qu’il vienne. Je ne sais pas quel est le problème qu’il a avec la Côte d’Ivoire, mais depuis 21 ans, il n’a pas remis les pieds ici. »

Difficile quand on est habitué à la discrétion qui sied au milieu bancaire de se transformer en homme public. Ses proches, comme Lionel Zinsou qui fut lui aussi banquier et qui échoua à devenir président du Bénin estiment que Tidjane Thiam serait mieux à sa place à la tête d’une grande institution financière comme le FMI.

Tidjane Thiam : destin hors-norme, avenir mystérieux – Aujourd’hui l’économie, le portrait (rfi.fr)