UNE SITUATION ALARMANTE QUI POURRAIT FAIRE DISPARAITRE LES FORETS IVOIRIENNES

Les conflits entre les agents de la Société de Développement des Forêts (Sodefor) et les riverains des forêts classées sont devenus récurrents en Côte d’Ivoire. Ces différends, souvent exacerbés par des conflits de compétence entre les prérogatives de la Sodefor et celles du Ministère des Eaux et Forêts, ont conduit à des incidents graves incluant des coups, blessures, voire la mort de certains agents. Certains agents, en légitime défense lors de l’exercice de leurs fonctions, se retrouvent parfois emprisonnés, tandis que d’autres subissent des interrogatoires arbitraires.

Dans ce contexte, une mission conjointe initiée par quatre organisations de la société civile – le Syndicat Libre des Agents de la Sodefor (Sylia-Sodefor), l’Uita-CI, les Ong SAFI et Amistad – s’est déroulée du 13 au 16 mai 2024 à Man et à Guiglo. L’objectif était de partager les informations et constats faits sur le terrain, sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale sur les actions qui contribuent à la disparition des forêts ivoiriennes.

La mission a d’abord rencontré le Directeur du Centre de Gestion de Man, M. N’Cho Didier, qui a confirmé l’absence des agents de la Sodefor dans la forêt de Sangouiné suite à un incident survenu en 2023. À Gouin-Débé, la communauté villageoise refuse l’accès à la forêt aux agents de la Sodefor, exacerbant le conflit.

La mission a également visité une exploitation problématique dans la forêt classée de Flansobly. Il a été constaté un non-respect des procédures de traçabilité du bois, un déficit de communication et des coupes de tiges non conformes. Ces constats ont conduit à l’arrêt des travaux de coupe sur ordre des autorités. Pour une meilleure gestion du conflit, la mission a rencontré le sous-préfet de Sangouiné, qui a réaffirmé son engagement pour la cohésion sociale et le retour des agents de la Sodefor.

À Guiglo, elle a été reçue par le Secrétaire Général de la Préfecture et le Directeur régional des Eaux et Forêts. Il a été révélé que, malgré plusieurs tentatives de médiation, l’alliance Wê refuse de coopérer sans une rencontre avec le Ministre des Eaux et Forêts. Ils ont exprimé trois principales préoccupations : la cogestion, la violation des conventions et le renouvellement des effectifs des agents de l’UGF. Ils ont dénoncé le non-respect des accords et la complicité des agents de la Sodefor dans l’infiltration d’allogènes dans la forêt.

De retour à Abidjan, le Syndicat Libre des Agents de la Sodefor (Sylia-Sodefor), dirigé par le Cdt Sorho Issoufou et ses compagnons de mission ont tenu à rencontrer les journalistes au Centre de Gestion de la Sodefor situé à la Zone Industrielle de Yopougon le 29 mai, pour faire le point.

Le rapport de ladite mission souligne les nombreuses anomalies et problèmes systémiques qui entravent la gestion efficace des forêts ivoiriennes. Le Cdt Sorho Issoufou n’a pas mâché ses mots lors de cette conférence de presse : « On ne met pas en doute les décisions du ministre, mais on déplore la façon dont elles sont exécutées sur le terrain. Parce que l’agent de la Sodefor, habilité à légitimer la coupe de bois, est outrepassé. Alors qu’en agissant contrairement aux dispositions et procédures légales, on n’est pas dans la gestion forestière durable et c’est surtout l’autorité de l’État qui se trouve bafouée. Les contrevenants seront peut-être riches dans l’immédiat mais ils appauvriront les générations prochaines. »

Il a expliqué que, normalement, un inventaire des bois à couper doit être réalisé, en situant leur position GPS, en mentionnant les essences ciblées et leur diamètre, afin de produire un catalogue ou bordereau. Malheureusement, de nombreuses anomalies ont été constatées dans cette procédure, avec des arrêtés de coupe approximatifs dans leur mise en œuvre.

Monsieur Brice Delagneau, président de l’Ong Amistad, a précisé que le Cdt Sorho Issoufou est à la fois syndicaliste et forestier et qu’à ce titre il mène des actions syndicales liées à la protection de la forêt. Il a rappelé que le Président de la République de Côte d’Ivoire s’est engagé à restaurer le couvert forestier à hauteur de 20% à l’horizon 2030. « Donc, il y a une volonté politique de préserver la ressource forestière et de la gérer durablement. Et si nous constatons qu’il y a des irrégularités, il est nécessaire que nous agissions », a-t-il insisté.

Dans son mot de fin, le Cdt Sorho a estimé qu’on empêche la Sodefor d’exécuter les missions pour lesquelles elle a été créée : « Comme on ne nous écoute toujours pas, nous allons entamer une grève. Mais une grève dont l’objectif, pour une fois, ne sera pas lié à une quelconque augmentation de salaire, mais à un empêchement de travailler. Nous pensons que, pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République SEM. Alassane Ouattara, il faut poser des actions fortes. »

Le cas de la forêt classée de Badenou (Tongon), dans le Nord du pays précisément dans la zone de Nafoun, où une société de mine exerce en plein espace protégé ayant été abordé, le conférencier a promis d’y faire un tour pour constater de visu.

La responsabilité du ministère des Eaux et Forêts est ainsi engagée dans la recherche de solutions pour une meilleure gestion des forêts ivoiriennes. C’est dans cette optique que les organisations de la société civile ont formulé les recommandations suivantes : renforcement de la collaboration entre le Ministère des Eaux et Forêts et la SODEFOR, clarification des critères de choix des partenaires pour les forêts classées éligibles à la concession, respect des procédures de coupe conventionnelle en forêt classée, et sensibilisation et formation des parties prenantes à la gestion durable des forêts.

Ces mesures visent à résoudre les conflits et à promouvoir une gestion durable des forêts ivoiriennes, conformément aux engagements du Président de la République de Côte d’Ivoire pour une couverture forestière de 20 % d’ici 2030.

Narcis’K