Le Cantonnement des Eaux et Forêts d’Adzopé abrite, en son sein, un Centre de Semences forestières de la Société de Développement des Forêts (Sodefor). Sa mission réside dans la Gestion et la Conservation de graines forestières améliorées, la Production et la Vente de pépinières de qualité ainsi que l’Aménagement paysager. En février dernier, nous nous y sommes rendus pour une visite et c’est le Lieutenant Diarra, premier responsable du Centre, qui s’est fait le plaisir de nous donner plus d’éclairages.
LE CENTRE DE SEMENCES FORESTIERES DE LA SODEFOR D’ADZOPE
Il a été créé en l’an 2010 suite de l’exécution d’un projet dénommé « Gestion et conservation des semences forestières » financé par l’OIBT (Organisation internationale des bois tropicaux) dont le siège se trouve au Japon. Exécuté entre 2009 et 2013, ce projet a permis de mettre en place les parcelles sementielles, des infrastructures composées d’un mini labo, un magasin, une chambre froide etc.
En somme, un dispositif qui permet de faire la mobilisation de semences forestières allant de la récolte au stockage des semences en passant par l’acheminement des semences, les différents traitements, l’analyse et la détermination de la viabilité de semences.
Le Centre de Semences Forestières de la Société de Développement des Forêts (Sodefor) d’Adzopé, que nous avons visité, est le dernier maillon de la chaîne de production. Pour information, c’est pour pouvoir anticiper sur la disposition du matériel végétal de bonne qualité que la Sodefor a négocié ce fonds avec l’OIBT, de années auparavant.
LES MISSIONS DE CE CENTRE
Notons, pour commencer, que le personnel permanant (8 agents) et les équipes saisonnières (un peu moins de 140 personnes), qui composent l’effectif du Centre, sont archi-occupés durant toute l’année. Ce qui est normal puisqu’ils sont chargés de faire la mobilisation de plusieurs centaines d’espèces de semences forestières.
D’octobre à avril, les équipes sont exclusivement focalisées sur les semences qui concernent les zones forestières. Il s’agit entre autres des semences de moringa, samba, neen, petit cola, badi, ilomba et baobab. Ensuite, démarre la campagne des zones de savanes avec un léger décalage dû à la maturation de semences. Il s’agit ici des semences de néré, karité, acajou, nimme etc. Installées aux abords des grands gisements semenciers – tels que la Téné, de Mopri, de la Sangoé, de Tiémélékro, de Brobo – Ies équipes saisonnières féminines sont chargées de la récolte des semences qui sont ensuite acheminées délicatement au Centre d’Adzopé.
Sur-place, un tri minutieux est effectué. Car, toutes les graines ne peuvent pas être considérées comme semences. C’est pourquoi les graines, qui possèdent des aptitudes germinatives, sont conditionnées et destinées à la conservation en vue des campagnes de reboisement. Tandis que les autres sont destinées à l’exportation vers le Ghana, Libéria, le Rwanda etc. et à être vendues à des entreprises comme Saco, Zamacom, Pur Produit etc.
A contrario, celles – dont le taux de germination est faible – sont automatiquement et immédiatement destinées à la production de plants.
LE BILAN APRES TANT D’ANNEES DE DUR LABEUR
Au vu des chiffres, le bilan est plus que satisfaisant. Car avant 2017, la moisson était maigre. Et pour cause, à cette époque, la mobilisation de ces semences forestières était un sujet presque tabou. C’est au cours de ces dernières années l’activité a été à vulgarisé. Conséquence immédiate ; plusieurs tonnes de différentes espèces végétales sont produites par an.
Effectivement, de 5 tonnes dans les années antérieures, le Centre de semences forestières de la Sodefor est passé à un peu plus de 12, aujourd’hui. Comparer aux chiffres des exploitations d’autres produits agricoles, d’aucuns penseront que c’est insignifiant. Mais ici, sachez qu’on parle bien de semences, de graines. C’est énorme ! Parce qu’il y a des semences qui peuvent produire des millions de plants ne serait-ce qu’avec un demi-kilogramme seulement.
Selon des experts, les 12 tonnes de semences, dont il est question ici, peuvent reboiser deux (2) fois la Côte d’Ivoire. Et ça, c’est peu dire puisque le Centre ne peut pas produire à l’accès. Il ne produit qu’en fonction de la demande pour des raisons concises et précises.
Cela s’explique par le fait que le dispositif peut produire à l’infini, la conservation, quant à elle, a une capacité limitée. Sans oublier que le stockage aussi a un coût. C’est pourquoi le Centre demande toujours aux partenaires d’exprimer leurs besoins de façon explicite et dans les délais raisonnables pour être fournis quelle que soit la quantité et les espèces de leurs choix.
QUELQUES PROBLEMES QUAND MEME !
L’on reconnait que le Centre de semences forestières tient beaucoup à cœur au Colonel-Major Mamadou Sangaré, Directeur général de la Sodefor, qui s’investit énormément dans sa gestion. Son implication directe permet d’atteindre les objectifs assignés à ce centre qui parvient ainsi à surmonter les obstacles et relever les nombreux défis.
Malheureusement, des structures privées sans qualification et expertise avérée s’adonnent aussi à la mobilisation de semences forestières. Le drame c’est qu’elles produisent sans traçabilité et sans garantie de productions d’arbres bien conformes au bout des années de maturation. Le problème, c’est aussi leurs techniques de récolte qui consiste à couper carrément l’arbre semenciers ou à s’introduire illégalement dans les gisements semenciers des forêts classées pour prélever ces semences parfois en coupant le semencier. En somme, lesdites structures ne sont pas capables de mobiliser, ne serait-ce que 5 kg de semences sans détruire des parcelles importantes de forêt. Autrement dit, elles ne pratiquent pas les techniques de gestion durables des forêts pour mobiliser les semences comme cela est conseillé et recommandé dans ce secteur d’activité assez délicat.
Cela emmène à nous demander comment la reforestation de la Côte d’Ivoire peut réussir sans la mise en commun de son potentiel et le respect des normes. Nous nous demandons pourquoi les acteurs ne se rapprochent pas des structures spécialisées comme la Sodefor pour bénéficier de son expertise et de son expérience en matière de mobilisation du matériel végétal de qualité pour réussir le pari de la reforestation en Côte d’Ivoire.
Selon nos investigations, pour opérer dans ce secteur très sectaire, il faudrait posséder d’importants gisements de semences (c’est le b-a-ba) pour produire en quantité industrielles et de façon régulière et durable. Ce qui n’est malheureusement pas le cas chez beaucoup de producteurs de semences améliorées. Vu sous cet angle, si la Sodefor devrait avoir des concurrents, ce serait probablement dans les 15, voire 20 prochaines années.
Une façon de dire que quand il s’agit d’actions d’envergure tels que les grands projets de reboisement, il faut s’adresser impérativement à la Sodefor qui est la mieux outillée de la sous region. C’est pour toutes ces raisons que nous croyons que l’Etat doit justement canaliser le secteur en donnant des instructions à la Sodefor pour produire les semences afin de les mettre à la disposition de demandeurs. N’est-ce pas ainsi que cela fonctionne dans le secteur des produits agricoles d’exportation comme le Café, la Cacao et autres ?
Pour rappel, le Conseil Café-Cacao s’appuie sur le CNRA (Centre National de Recherches Agronomiques) qui produit les semences améliorées pour les mettre à la disposition des planteurs. De cette même façon, l’Etat doit règlementer et vulgariser ses décisions concernant la mobilisation des semences forestières au lieu d’assister aux agissements de pourfendeurs des forêts ivoiriennes qui débarquent dans le secteur pour y exercer au mépris des normes de gestion durable.
Tant que des aventuriers investiront ce secteur, la provenance de certaines semences restera douteuse. Alors que, pour des questions de traçabilité et de gestion durable, il y a des postures à adopter pour ne pas nuire aux forêts ivoiriennes.
UNE SOLUTION EFFICACE POUR REBOISER LA COTE D’IVOIRE
Après cette immersion dans le centre de semences forestières de la Sodefor d’Adzopé, nous en arrivons à la conclusion que pour atteindre les 20% du taux du couvert forestier d’ici à 2030, c’est un petit problème ! Oui, vous avez bien lu.
Pour ce faire, il faut juste se servir des semences forestières améliorées produites par les bons soins des structures tels que la Sodefor pour reboiser la superficie des parcs et réserves qui font presque le 20% du territoire déjà. Et ce sont des aires protégées par l’Etat de Côte d’Ivoire.
Autrement dit, pour que le problème soit résolu, il suffit tout simplement de mettre l’accent sur la reconstitution de ces couverts forestiers-là et le tour est joué. Car, voyez-vous, c’est plus simple et facile de reconquérir les parcs, réserves et les forêts classées, qui constituent des aires protégées par l’Etat (pour le moment) que de chercher à aller sauver des forêts là où chaque citoyen ou autochtone est libre d’exploiter des parcelles forestières. Question de logique, selon nous !
Notre prochain dossier : Agroforesterie…… a bientôt.
Un récit de Narcis’K