Des années durant, une de mes tantes a co-animé une émission culinaire populaire du week-end sur la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI). Je me souviens que certaines « innovations » – était-ce une macédoine en accompagnement ou une volaille grillée plutôt que braisée ? – n’avaient pas échappé au tsst-tss des puristes de la famille. Les Ivoiriens pardonnent à peu près tout, sauf d’être mal habillé – à la « zaïroise » ou, pire, à la « burkinabè » – et de s’amuser avec la nourriture. Sur ce dernier point, chaque Ivoirien compte sa liste de réprouvés : gastronomes de Facebook et autres apprentis-toubabs qui bouclent leur repas à la Vache qui rit, glissent des petits pois dans la sauce arachide ou ajoutent des crevettes dans le riz au gras.

Depuis une demi-douzaine d’années, une absurde campagne menace le plat ivoirien de référence : le foutou sauce graine. Divers agités vilipendent l’huile de palme pour ses supposés effets sur les forêts et la santé, causés plutôt par la cupidité de latifundistes malaisiens et les ultra-transformations de l’industrie alimentaire occidentale. « Le palmier à huile est fondamental dans la culture gastronomique ivoirienne, répond depuis Abidjan Anne-Marie T.L., une institutrice à la retraite. La pulpe des graines produit l’huile de palme et sert à cuisiner la sauce graine. Des noix est extraite l’huile de palmiste, particulièrement goûteuse. Du tronc est tiré le cœur de palmier, utilisé en cuisine, ainsi que l’indispensable vin de palme. Et deux variétés de champignons comestibles, prisés dans notre cuisine, poussent aux pieds du