Le président ougandais Yoweri Museveni, dans une interview à la télévision kényane, a affirmé avoir demandé à son fils de quitter Twitter, quelques semaines après un incident diplomatique causé par ses publications. Le général Muhoozi Kainerugaba avait déclaré que son armée pouvait prendre le Kenya en deux semaines. Le « premier fils » a répondu toutefois que « personne ne me bannira de quoi que ce soit ! » Au-delà de la polémique, la division familiale pose question sur la succession politique.
Il devait se faire plus discret, d’après son père. Mais Muhoozi Kainerugaba affirme qu’il ne quittera pas Twitter.
Depuis plusieurs mois, le fils aîné du chef de l’État multiplie les messages polémiques. Le 3 octobre, il écrit qu’il ne lui « faudrait pas deux semaines à lui et à son armée pour conquérir Nairobi », la capitale du Kenya voisin. Le même jour, il suggère que l’ex-président kényan Uhuru Kenyatta aurait dû briguer un troisième mandat, alors que la Constitution le lui interdit.
L’affaire avait frôlé l’incident diplomatique avec Nairobi, et avait contraint Yoweri Museveni à demander pardon aux Kényans : « Ce n’est pas correct de commenter ou d’interférer dans les affaires d’un pays frère », avait-il ajouté dans un communiqué.
Dans la foulée de ses messages, Muhoozi Kainerugaba a été démis de ses fonctions de chef de l’état-major de l’armée de terre. Avant d’être finalement promu général à 48 ans. Pour beaucoup, il s’agit d’un geste de protection. Le président Museveni a défendu son fils lundi lors d’une interview à la télévision ougandaise, le qualifiant de « très bon général ».
Des frictions anciennes
Selon Yusuf Serunkuma, chercheur de l’université Makerere, les frictions entre le président Yoweri Museveni et son fils Muhoozi Kainerugaba concernant l’usage des réseaux sociaux ne sont pas nouvelles, a-t-il affirmé à notre correspondante à Kampala, Lucie Mouillaud :
Ce genre d’échanges s’est déjà produit, mais était resté très privé. Maintenant, que le père, dans une interview, dise que Muhoozi doit s’arrêter, et que le fils, fortement et publiquement, réponde à son père, je pense que c’est la toute première fois qu’ils échangent des mots aussi forts.
Le président Museveni veut-il « mettre son fils sur le côté » ?
Depuis plusieurs années, Muhoozi Kainerugaba est souvent présenté comme un potentiel successeur de son père. Mais pour l’analyste Bernard Sabiti, le remaniement récent de l’armée, au cours duquel le fils du président a été promu général, mais a perdu sa fonction de commandant de l’armée de terre, pourrait être le signe d’un changement de dynamique :
Muhoozi n’a plus de devoirs de commandement quotidien. Il n’a plus aucune unité ou brigade sous ses ordres. Si ça reste le cas pendant six mois ou un an, on commencera à comprendre que le président essaie de le mettre sur le côté, et ne veut plus qu’il se rapproche de la présidence.
Les débats dans les médias sur « le projet Muhoozi » ont commencé en mai 2013, avec la publication d’une note confidentielle du général David Sejusa, à l’époque directeur des renseignements. Il dénonçait l’existence d’un plan consacré à préparer Muhoozi Kainerugaba à prendre la suite de son père à la tête de l’État. (rfi.fr)